Burkina Faso, dans l’intimité des silences menstruels
27 mai 2025L’histoire des menstruations au Burkina est celle d’une résilience discrète et d’une lente émancipation, dans un pays où des jeunes filles vivent encore leurs règles dans l’isolement.
Pendant longtemps, les menstruations ont été un sujet discret, presque tabou. Derrière ces silences, pourtant, des générations de femmes ont trouvé leurs propres manières de faire face à cette réalité biologique.
L’intimité des silences menstruels
À 65 ans, Fatimata replonge dans ses souvenirs d’adolescente, à une époque où parler des règles relevait presque du secret.
"À l’époque, les jeunes filles pouvaient se promener sans sous-vêtements. Quand les règles arrivaient, on se cachait. Si ta mère avait un peu d’argent, elle découpait un vieux pagne pour en faire une protection, puis t’en nouait un autre autour de la taille, comme une jupe. C’était avec ça que tu te déplaçais. Parfois, tu restais jusqu’à trois jours avec la même protection".
Cela pouvait même provoquer des blessures et des infections ajoute Fatimata : "Ensuite, on te donnait de l’eau pour te laver et on appliquait du beurre de karité pour soulager la douleur. Mais on ne jetait pas le tissu : il fallait le laver et le garder pour la prochaine fois, car on t’avait déjà expliqué comment le réutiliser."
Cette époque était marquée par la débrouille, le silence et l’absence de produits adaptés.
Mais les choses ont lentement évolué. Aujourd’hui, la parole se libère. Les jeunes filles ont davantage accès à l’information et à des produits d’hygiène plus sûrs, comme l’explique Balkissa, une jeune femme de 26 ans :
"J’ai eu mes premières règles à 16 ans. Bien avant, mes mamans en parlaient entre elles, et j’écoutais. Un matin, je me suis réveillée et j’ai vu que j’avais taché mon habit. J’ai pris un pagne, je l’ai déchiré pour m’en faire une protection. Aujourd’hui, j’utilise des serviettes hygiéniques lavables."
L’accompagnement des mamans
Fatou, 43 ans, représente cette génération qui a grandi dans un monde encore imprégné de tabous, mais où les premières conversations mères-filles ont commencé à émerger, alors que les protections hygiéniques étaient rares, parfois coûteuses et peu accessibles dans les zones rurales :
"J’ai eu la chance que ma mère m’en parle à l’avance. Le jour où c’est arrivé, je suis allée la voir. Elle m’a accompagnée pour acheter du Vania, comme on l’appelait à l’époque. Elle m’a montré comment l’utiliser. Au début, c’est inconfortable, mais on s’y habitue. Elle m’a aussi donné des conseils, parce que pour elle, c’était le signe que j’étais devenue une femme", a-elle expliqué.
Si les pratiques ont évolué avec le temps, c’est grâce à la transmission intergénérationnelle, aux conseils des mères et à une parole féminine qui s’affirme progressivement.
Cependant, dans de nombreuses zones rurales du Burkina Faso, les menstruations restent encore enveloppées de silence et vécues dans l’inconfort, faute d’informations et de moyens adaptés.