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Etat de droitBurkina Faso

Au Burkina Faso, Ibrahim Traoré : autocrate ou héros ?

Sandrine Blanchard | Philipp Sandner
8 septembre 2025

Le capitaine Ibrahim Traoré se présente volontiers comme un jeune panafricaniste révolutionnaire. Des campagnes chantent ses louanges sur les réseaux sociaux. Pourtant, au Burkina Faso, toute critique est réprimée.

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Burkina Faso | Portrait d'Ibrahim Traore sur fond bleu en 2023
Le capitaine Traoré se présente volontiers comme le nouveau SankaraImage : Stanislav Krasilnikov/ITAR-TASS/IMAGO

Il s'est emparé du pouvoir par un coup d'Etat, il y a trois ans, au Burkina Faso. Depuis, le capitaine Ibrahim Traoré, à la tête d'un régime militaire, aime à se présenter comme un leader panafricaniste. Il est même devenu une figure des réseaux sociaux. 

Pourtant, à l'intérieur du pays, il restreint les libertés et les droits de ses concitoyens et il étouffe toute voix critique. Retour donc sur celui qui se présente en "héros" à l'étranger, mais qui est un tyran pour sa population, de l'avis des organisations de défense des droits humains.  

Les promesses du début

Le 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré prend le pouvoir, appuyé par des militaires. Ils renversent un autre putschiste, Paul-Henri Sandaogo Damiba, arguant de la nécessité de combattre plus efficacement le terrorisme. 

Ibrahim Traoré promet alors de venir à bout des groupes armés dans les six mois et d'organiser dans l'année qui suit des élections démocratiques.

Burkina Faso | Une affiche à Ouagadougou montre Ibrahim Traoré serrant la main à Vladirmir Poutine
Comme les autrs Etats de l'AES, le Burkina d'Ibrahim Traoré se détourne du partenariat avec la France et mise sur la RussieImage : Ute Grabowsky/photothek.de/picture alliance

Au lieu de cela, le dirigeant renforce son pouvoir. Il réforme l'armée, nomme un gouvernement qui lui est favorable et réprime les voix jugées trop critiques. Au bout de six mois, il affirme que les élections ne sont "pas la priorité".

Sur le front de la lutte antiterroriste, son échec est patent. Le 24 août 2024, par exemple, des assaillants attaquent la localité de Barsalogho, dans le nord. Ils tuent plusieurs centaines de personnes.

70% du territoire ne sont pas contrôlés par l'Etat

Paul Melly, du groupe de réflexion Chatham House, rappelle qu'"environ 70 % du territoire national" sont désormais "sous le contrôle des groupes armés djihadistes ou, à tout le moins, échappe au contrôle sécuritaire du gouvernement." 

Pourtant, de nombreux profils, tels que "Ibrahim Traoré Vision 2050", relaient sans faille une campagne d'influence, en soutien à Ibrahim Traoré, sur les réseaux sociaux. 

Des vidéos sorties de leur contexte, qui prétendent que de vastes mobilisations sont organisées de par le monde pour soutenir le pouvoir militaire en place à Ouagadougou, font aussi des milliers de vues sur internet. 

Le journaliste burkinabè Justin Yarga, qui vit en exil en Suède, a tenté de mettre en lumière cette stratégie de désinformation à la gloire du dirigeant burkinabè : "Certaines personnes que nous avons interrogées nous ont dit que cela leur était égal que ce soit une opération de propagande, que la seule chose qui les intéressait, c'est que les dirigeants burkinabè aient raison au sujet de la France."

Faut-il un contrôle parental sur les réseaux sociaux ?

Contre la France, coûte que coûte

La prise de distance avec l'ancienne puissance coloniale est un thème central du discours d'Ibrahim Traoré. Souvent, ses soutiens le comparent au révolutionnaire des années 1980, Thomas Sankara. 

Le blogueur et chroniqueur kenyan, Patrick Gathara, explique cela par le besoin des habitants des Etats du Sahel de trouver "des sauveurs" providentiels. "Les gens doivent être prudents lorsqu'ils vantent ces personnalités comme la panacée pour des problèmes qui sont essentiellement systémiques, analyse Patrick Gathara. Trouver de bons dirigeants n'est pas tout :  il s'agit d'abord de créer des systèmes qui limitent le pouvoir des dirigeants et les obligent à rendre des comptes."

Sankarisme ou conservatisme ?

Le capitaine Traoré a bâti son image de trentenaire qui rompt avec les mauvaises pratiques de l'ancienne classe politique corrompue et fidèle à la France.

Mais le nouveau code de la famille, qui vient d'être adopté au Burkina Faso, traduit d'abord des valeurs conservatrices. Ousmane Aly Diallo, de l‘organisation Amnesty International. Il explique : "On utilise ce sentiment souverainiste pour poser des mesures discriminatoires et potentiellement attentatoires à l'égalité des personnes devant la loi."

La nouvelle loi prévoit notamment de pouvoir retirer la nationalité burkinabè à ceux qui critiquent le gouvernement du capitaine Traoré.