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Les femmes du Sahel sont prises entre deux feux

7 mars 2025

A l'occasion du 8 mars, la DW a interviewé Aminata Ba, de la Fondation Maman Sahélienne, au Burkina Faso.

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Burkina Faso Kongoussi | Portrait en gros plan d'une femme dans un camp de déplacés internes (photo de 2024)
Les femmes sont encore plus exposées aux violences dans les zones de conflit et les camps de déplacés internesImage : Ingebjørg Kårstad/NRC

Demain, c'est le 8 mars, la journée internationale des femmes.

A cette occasion, l'Onu Femmes a publié un rapport pour faire le point sur l'avancée des engagements pris à Pékin par les Etats membres des Nations unies, il y a trente ans, pour avancer l'égalité des sexes.

En 2025, les progrès en la matière sont mitigés : les femmes et les filles font toujours partie des personnes les plus vulnérables, notamment dans les zones de conflits armés.

Aminata Ba est originaire de la région du Sahel, dans le nord du Burkina Faso. Membre du Conseil d'administration de la fondation Maman Sahélienne, elle lutte pour aider les femmes dans sa région, où le terrorisme a occasionné de grands déplacements de population.

Interview avec Aminata Ba, de la Fondation Maman Sahélienne

80 % de ces personnes déplacées internes sont des femmes et des enfants.

Leur précarité  les rend plus vulnérables - notamment aux violences sexuelles. Aminata Ba explique que, pourtant, les femmes devraient être davantage impliquées dans les initiatives de paix.

Ecoutez ci-contre l'interview avec Aminata Ba

 

DW: Quelles sont les principales difficultés auxquelles les femmes de votre région, le Sahel, dans le nord du Burkina Faso, sont confrontées?

La première des difficultés, c'est celle liée à à l'éducation, les femmes déplacées internes ainsi que les filles qui ont dû fuir les hostilités pour se retrouver dans les grandes villes, n'ont plus accès aux écoles et aux centres d'éducation.

La deuxième difficulté, c'est le durcissement des conditions de vie et la précarité.

Avec le terrorisme, beaucoup de femmes ont perdu leur mari, se sont retrouvées veuves avec un nombre élevé d'enfants à charge.

Face à cela, elles sont obligées, à défaut de trouver du travail, de se retrouver à faire des métiers pas réellement nobles pour subvenir à leurs besoins propres et aux besoins de leurs enfants ; elles courent les rues pour chercher la pitance quotidienne.

La 3e difficulté que nous pouvons citer est l'expansion des violences, surtout les violences sexuelles à l'égard des femmes.

Certaines femmes sont capturées par les groupes armés pour en faire des esclaves sexuelles et d'autres sont obligées de s'adonner à la prostitution... ou à d'autres types de violences sexuelles pour pouvoir subvenir à leurs besoins dans les camps de déplacés internes.

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DW : Les Nations unies recommandent d'impliquer davantage les femmes dans les processus de paix - les médiations, par exemple, pour rétablir la paix dans les zones de conflit ou la maintenir après les conflits. Qu'est-ce qui pourrait être fait en la matière, selon vous  ?

La femme est la première garante de l'éducation des enfants et, en tant que telle, elle peut aider à la prévention des conflits et de l'extrémisme violent à travers la transmission des valeurs de paix et des valeurs de non-violence à sa progéniture.

Ensuite, dans la société traditionnelle, peulhe particulièrement, la femme est réellement au centre de toute initiative de pour désamorcer une crise.

Je vous prends un exemple spécifique dans ma communauté : lorsque il y a une crise dans un couple et que, par exemple, la femme quitte son foyer, eh bien pour aller faire la médiation et ramener la femme dans son foyer, ce sont des femmes qui sont envoyées (des tantes de l'époux) pour aplanir le conflit. 

Alors, pour maintenir la paix entre les différentes communautés, je pense que la femme a un rôle très important à jouer à travers ces différentes initiatives au sein de la communauté.

Ces initiatives peuvent être des actes sociaux avec des collaboratrices d'autres communautés, par exemple, les femmes aiment se mettre en groupements, elles aiment organiser et des événements sociaux. Et ces événements là, la plupart du temps, ce sont les femmes qui y participent, comme les baptêmes, les mariages... les femmes sont souvent mandatées pour y représenter la famille ou la communauté au sein de ces événements.

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Donc c'est déjà jouer  un rôle dans la cohésion sociale.

En plus de cela, il y a ici ce que nous appelons la parenté à plaisanterie entre les différentes communautés.

C'est de la plaisanterie bienveillante qu'on utilise entre des communautés pour pouvoir instaurer une bonne ambiance2, pour désamorcer les crises et et tout ce qui va avec la paix.

Au niveau national et international, actuellement, nous faisons face à des initiatives féminines, notamment des organisations de la société civile qui arrivent à mandater des femmes comme sensibilisatrices ou porteuses de messages de paix au sein des différentes structures locales ou nationales.

 

DW : Et si vous aviez la possibilité de prendre des décisions prioritaires pour améliorer la situation des femmes dans votre région d'origine, le Sahel, que vous décideriez-vous?

D'abord agir dans la protection.

Il faut que la communauté internationale appelle ces groupes [impliqués dans le conflit au Burkina Faso] à épargner les femmes et les enfants parce qu'elles se retrouvent entre deux feux : le feu des terroristes et celui des forces de défense et de sécurité.

La plupart du temps, elles sont accusées de complicité avec les terroristes et elles sont abattues sans jugement ni preuve.

Donc ce sont réellement des exactions extrajudiciaires qui, dans le temps, ne concernaient que les hommes, mais maintenant, les femmes ne sont pas épargnées non plus.

Donc j'appelle réellement la communauté internationale à faire valoir le droit international, pour qu'aucune femme ne soit victime de fusillade au Burkina Faso ni nulle part où il y a conflit.

La deuxième des choses, c'est d'agir pour l'éducation et à la restauration de la dignité de la femme, surtout dans les camps de déplacés internes.

C'est de réellement aller dans l'investigation pour savoir ce qui s'y passe réellement.

Et d'essayer de créer des emplois pour les femmes, ou des centres d'éducation au sein de ces camps de déplacés internes, pour redonner envie de vivre à toutes ces jeunes filles qui ont dû quitter les classes et et qui errent dans les rues ou bien qui sont réduites à des travaux de boniche dans les familles pour pouvoir subvenir aux différents besoins de leur famille.