Berlin se prépare a investir massivement dans la Bundeswehr
4 mars 2025La classe politique allemande est sous le choc, depuis l'altercation de vendredi dernier (28.02) à la Maison Blanche, lorsque Donald Trump et son vice-président JD Vance ont violemment pris à parti le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qu'ils ont accusé de ne pas vouloir la paix, reprenant la rhétorique du Kremlin et de Vladimir Poutine.
S'il en fallait encore une preuve supplémentaire : cette séquence a montré à quel point les relations transatlantiques établies après la seconde guerre mondiale sont en train de se transformer.
Il ne faut pas compter sur les États-Unis pour être une partenaire fiable dans un avenir proche, estime le politologue Carlo Masala de l'Université de la Bundeswehr à Munich chez nos confrères du Deutschlandfunk.
"Mais ils auront certainement, dans l'un ou l'autre cas, davantage d'intérêts partagés avec nous qu'avec d'autres, explique l'expert. Je pense qu'une Europe indépendante et souveraine se rend plus attractive en tant que partenaire. C'est la logique sous-jacente".
Ce moment de rupture inédit entre les États-Unis, l'Ukraine et par extension l'Europe se produit alors qu'en Allemagne, les négociations pour former le prochain gouvernement ont à peine débuté, une semaine après les élections législatives remportées par les conservateurs de Friedrich Merz. Pour cet atlantiste assumé et qui doit devenir le futur chancelier, le réveil est brutal.
L'Allemagne en attente d'un nouveau gouvernement
En attendant la fin des négociations de coalition prévues d'ici Pâques, c'est toujours Olaf Scholz qui occupe le poste de chancelier. Celui-ci s'est toutefois tenu quelque peu à l'écart lors du sommet de Londres sur l'Ukraine, laissant les dirigeants britanniques et français jouer les premiers rôles.
Et pour cause : en attendant le nouveau gouvernement, Olaf Scholz devrait s'abstenir de prendre des décisions et faire des déclarations politiques d'envergure, comme c'est la coutume en Allemagne. C'est toutefois avec son parti socio-démocrate du SPD que les conservateurs de l'union CDU/CSU veulent tenter de former une grande coalition.
"Le prochain gouvernement aura une grande responsabilité en matière de politique européenne. Avec la Pologne et la France, il appartiendra à ces trois pays de créer la stabilité en Europe", explique Lars Klingbeil du SPD, à qui on prête l'ambition de devenir le prochain chef de la diplomatie allemande.
Au-delà des initiatives au niveau européen, la question du financement pour renforcer la Bundeswehr, l'armée allemande, est sur toutes les lèvres à Berlin, afin de pouvoir se défendre seul, sans les États-Unis et en alliance avec d'autres pays européens.
Où trouver l'argent ?
Les montants à débloquer pourraient se compter en centaines de milliards d'euros pour compenser le vide laissé par les Etats-Unis. Pour cela, l'Allemagne devra soit relever le plafond de sa dette, ou voter un "fonds spécial".
Dans les deux cas, il faudrait pour cela obtenir une majorité des deux tiers au Parlement. Or, dans la nouvelle chambre basse, les conservateurs, les socio-démocrates, même en y ajoutant le vote des Verts, auraient besoin pour cela des voix des députés d'extrême-droite ou d'extrême-gauche.
"Nous voulons faire quelque chose pour la Bundeswehr, assure Friedrich Merz, et c'est devenu encore plus évident depuis vendredi dernier. Mais nous n'avons pas encore d'accord de coalition. Je ne peux rien prédire pour le moment".
Friedrich Merz a parlé à Volodymyr Zelensky aujourd'hui. Le contenu de la discussion n'a pas filtré. Le président ukrainien a simplement rappelé sur X que "l'Allemagne est leader dans la livraison de systèmes de défense aérienne à l'Ukraine et qu'elle joue un rôle décisif dans la garantie de la stabilité financière" du pays.