Au Sénégal, l'avortement jette les femmes en prison
16 juillet 2025La souffrance est parfois insurmontable pour les femmes sénégalaises victimes de viol ou d’inceste, quand une femme et ses complices tentent de se débarrasser d’une grossesse non désirée.
Celles-ci peuvent être déclarées coupables lorsqu’il est prouvé qu’un avortement clandestina été réalisé ou provoqué par une femme, ou par un médecin professionnel, explique maître Bamba Cissé, avocat au barreau de Dakar.
"Le délit d’avortement clandestin est puni par l’article 305 du code pénal du Sénégal, selon deux cas. Le premier cas est celui qui procure l’avortement, qu’il soit un professionnel ou non. Pour celui-là, la loi dit que : s’il est coupable d’avoir procuré l’avortement à une femme enceinte, il encourt une peine qui peut aller jusqu’à cinq ans", rappelle l'avocat.
"Et s’il est prouvé qu’il se livre habituellement à une telle activité, la loi prévoit une peine qui peut aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Le second cas est celui de la femme qui se sera par elle-même procuré un avortement clandestin, ou aurait provoqué son propre avortement par des breuvages ou des médicaments, ou qui va voir un médecin ou un professionnel pour lui procurer cet avortement. Pour cette femme, la loi prévoit une peine de six mois à deux ans."
Accompagner les victimes d'inceste et de viol
Selon l’administration pénitentiaire sénégalaise, 19 % des femmes détenues au camp pénal de Liberté 6 seraient incarcérées pour infanticide et avortement. L’activiste militante féministe Wasso Tounkara plaide pour une assistance plus humanisée des femmes accusées d’avortement clandestin.
"Toutes ces femmes qui ont eu recours à un avortement clandestin risquent ce qu’on appelle le triangle du feu. C’est-à-dire, soit elles meurent, soit elles ont des complications sanitaires, soit elles sont incarcérées. Moi, en tant que militante féministe, je considère que ce n’est rien d’autre qu’une manifestation du système patriarcal qui veut contrôler le corps de la femme, alors qu’accompagner aujourd’hui ces victimes d’inceste et de viol est une question de dignité et de justice sociale, quand la santé mentale et physique de la femme est en danger", estime l'activiste.
La pratique de l’avortement expose aussi les contrevenants à une amende comprise entre 50.000 et un million de francs CFA, selon les cas.
La seule exception, précise l’avocat au barreau de Dakar, maître Bamba Cissé, peut provenir d’un rapport médical qui établit, par exemple, que la vie de la femme enceinte est en danger.
Ni le viol ni l’inceste ne peuvent justifier un délit d’avortement puisque la loi sénégalaise met en exergue le droit à la vie pour l’enfant.