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"Le président Touadéra a horreur de la critique"

Jean-Fernand Koena
26 mars 2025

C'est l'avis de l'invité de la semaine, Anicet Georges Dologuele. Il est le chef de file de l'opposition en Centrafrique.

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Alors que son pays, la République centrafricaine, se dirige vers les élections générales, en décembre, Anicet Georges Dologuele conditionne sa participation à un dialogue avec le pouvoir de Faustin-Archange Touadéra.

En attendant, les autorités l'ont empêché de tenir un meeting, dimanche dernier, avec ses militants à Bangui. Il revient sur cette situation au micro de Jean-Fernand Koena.

Entretien avec Anicet Georges Dologuele

Nous avions une réunion du parti de la sous-fédération de Bégoua parce que nous sommes en train de renouveler les organes de base.
Comme nous le faisons souvent, nous essayions de louer un terrain clôturé pour que ce soit privé et que nous nous soyons pas obligés de demander l'autorisation du ministère de la Sécurité. Nous avons été surpris de voir venir les gendarmes qui disaient qu’ils avaient reçu l'ordre de la hiérarchie de disperser ce meeting.

C'est un événement assez grave parce que si vous voyez bien, il y a très peu de partis politiques aujourd'hui qui animent la vie politique nationale… pour une raison simple, c'est qu'il y a des pressions terribles sur les partis politiques.

Pendant ce temps, le parti au pouvoir se comporte comme s'il était propriétaire exclusif du pays, tous les jours, dans toutes les villes du pays et tous les villages, on met des gens dans la rue de manière forcée, ou alors on leur donner des petits billets de 500 pour défiler, demander un 3e mandat.

Des bidons jaunes d'eau empilés dans une rue de Bangui (illustration)
Les habitants de Bangui souffrent de pénuries d'eauImage : Jean-Fernand Koena/DW

Alors qu'on voit bien que tout ceux qui défilent sont très, très mécontents du régime en place.
Ils ont été appauvris. Ils sont dans la misère et on exploite cette misère provoquée par le régime pour les faire sortir dans la rue avec des petits billets.

 

DW : Justement, c'est pour protester contre ce 3e mandat que vous avez appelé à une marche le 4 avril. Est-ce que, selon vous, cette interdiction participe à l'agenda du régime de Bangui pour faire obstacle au plan de l'opposition sur le plan démocratique  ?

Je ne comprendrai pas que Monsieur Touadéra fasse marcher toute la population de la RCA pendant plus de deux mois pratiquement tous les jours et que quand l'opposition demande une seule marche pacifique, il y ait tout cette batterie de violence pour nous empêcher.


Mais je dis simplement que la marche aura lieu. Cette marche n'est pas seulement pour le 3e mandat.


Cette marche, c'est pour que les Centrafricains protestent contre leurs conditions de vie à l'extrême paupérisation dans laquelle on les plonge. Ils n’ont plus d'eau du tout, ni pour se laver ni pour boire ni pour quoi que ce soit, ils ont très peu d'électricité, la vie est devenue très chère avec un carburant dont le prix est l'un des plus élevés au monde.


L'école est devenue un endroit où on désapprend, les hôpitaux sont devenus des mouroirs, il n'y a plus rien qui tient debout dans le pays, aucun emploi n'est offert aux jeunes, mais alors aucun.

Donc la population est déprimée et nous l’invitons à venir exprimer sa déprime.

 

DW : Le 4 avril, la marche aura bel et bien lieu alors que du côté du gouvernement, le ministre Hippolyte Ngaté [ministre des PME et de la Promotion du secteur privé] a prévenu qu’il y aurait une opération eau chaude contre vous et vos militants. Ne craignez-vous pas de jeter cette population-là dans la gueule du lion  ?

C'est un membre du gouvernement en fonctions. Quand il vient annoncer une opération eau chaude, des violences, cela veut dire que il a été mandaté par le gouvernement pour venir annoncer à la nation que les Centrafricains qui marcheront ce jour-là, il leur sera réservé de la violence.

Monsieur Touadéra aujourd'hui ne connaît que le langage de la violence.

 

DW : Donc vous le rendez responsable de rétrécissement de l'espace civique et politique en Centrafrique.

Oui, il a horreur de la critique. 

La course de pirogue, facteur de paix en RCA

 

DW : Depuis l'adoption de la nouvelle constitution voulue par le président, le dialogue est rompu. Vous ne reconnaissez pas cette nouvelle Constitution. Lui non plus  ne veut pas céder. Nous sommes dans une situation de blocage, que faire  ?

Nous voyons bien que tout ce qui a été construit savamment par l'ensemble de la communauté nationale pour éviter les crises, c'est-à-dire cette Constitution, c'est une des rares fois que tout le pays s'est mis ensemble pour réfléchir sur une Constitution qui garantisse la stabilité et la paix en Centrafrique.


Il est venu tout seul, sans aucune consultation ni même de son parti d'ailleurs.

Il est venu tout changer à sa dimension et donc c'est une constitution maintenant qui est un mode d'emploi de son pouvoir et donc nous ne pouvons pas accepter ça.

Nous sommes déjà en crise et donc nous sommes des hommes responsables et nous avons demandé un dialogue politique pour échanger sur toutes ces questions et trouver une porte de sortie pour la stabilité, pour la paix dans notre pays et pour l'organisation d'élections transparentes inclusives et crédibles. Nous avons fait une demande, nous attendons la suite.

 

DW : Les élections vont être organisées sous le régime de cette Constitution, vous récusez les organes censés organiser ces élections, notamment l'Autorité nationale des élections et le Conseil constitutionnel, or le dialogue n'est pas jusqu'aujourd'hui à l'ordre du jour. Dans ce contexte, irez-vous aux élections  ?

Nous n'irons pas si ces organes qui gèrent les élections restent les mêmes et dans cet État dans sous cette configuration, nous n'irons pas.

Vous savez que les moyens de financer les élections nos élections ont toujours été financés par l'étranger et par la communauté internationale et il n'est pas question que la communauté internationale finance des élections qui ne soient pas inclusives où il n'y ait que le candidat du MCU et des pseudo-opposants qu'il a créés lui-même pour l'accompagner dans cette aventure mortifère.