La nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne va introduire avant la fin de l’année 2025 le service militaire mais selon le modèle suédois. Dans le contrat de coalition signée par les conservateurs et les sociaux-démocrates, on lit à la page 130 que le gouvernement va mettre en place un service militaire attractif basé sur le volontariat. Et non un service militaire obligatoire.
Selon plusieurs sondages publiés en mars, avant la publication du contrat de coalition, la majorité des Allemands étaient pour la réintroduction du service militaire obligatoire. Mais d'après les chiffres de YouGov, près de deux tiers des jeunes sont contre.
Vira Ratsiborynska est professeure à la Brussel school of governance à La Vrije Universiteit Brussel en Belgique. La spécialiste des questions de défense explique qu’il faut motiver les jeunes pour espérer les voir intégrer l’armée allemande.
"En général, explique la spécialiste, c'est le pays qui doit mieux motiver la jeunesse de rejoindre la défense. Donc la première question, c'est la motivation et les incitations. Quelles sont les incitations pour la jeunesse ?"
Vira Ratsiborynska poursuit : "Donc bien sûr, il faut penser à aussi à leur carrière, au sens de responsabilité dans la société. Pensez aussi à ce qu'ils peuvent avoir comme atouts, avantages, si par exemple ils peuvent jouer un rôle dans la défense et aussi compter sur leur esprit de responsabilité. Parce que maintenant, je pense, il faut vraiment comprendre les défis, les enjeux de la sécurité, les enjeux sécuritaires. Et donc il faut tout expliquer déjà à l'école pour que la jeunesse puisse penser aux défis et avantages, aux enjeux sécuritaires et pourquoi c'est très nécessaire d'avoir le sens de responsabilité dans la société."
Le service militaire obligatoire a existé entre 1956 et 2011
Le service militaire obligatoire a existé en Allemagne à partir de 1956. A l’époque, les hommes âgés d'au moins 18 ans devaient effectuer leur service militaire, qui durait entre 6 et 18 mois. La conscription a pris fin en 2011 parce que la Guerre froide était terminée et qu’il fallait réduire la taille de l’armée. Au lieu de se consacrer à la défense du territoire, elle s'est concentrée sur les missions à l'étranger. Pour cela, elle n'avait plus besoin de jeunes de 18 ans enrôlés pour une période limitée.
Mais aujourd'hui, la situation en matière de politique de sécurité nationale a de nouveau fondamentalement changé : l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les cyberattaques contre les membres de l'Otan et la désaffection du gouvernement américain au détriment de l'Europe - tout cela a conduit à la conviction que l'Allemagne doit mieux se positionner sur le plan militaire, alors que la Bundeswehr fait face à un manque de personnel. Mais alors que des appels à la réintroduction d’un service militaire obligatoire se sont fait entendre, le gouvernement a décidé de privilégier le service militaire selon le modèle suédois.
Vira Ratsiborynska fait remarquer que "le modèle suédois est très intéressant parce que c'est toujours le modèle qui inspire beaucoup de pays maintenant, parce que c'est le modèle de résilience, le modèle de résilience civile".
"Cela signifie qu'il faut collaborer avec les militaires ; les militaires, ce n'est pas le pivot le plus nécessaire ; le plus important, ce sont des civils. Le modèle suédois, c'est plutôt la combinaison de volontariat et aussi le travail avec aussi l'esprit parce que c'est la motivation qui doit amener les gens vers la responsabilité dans la société."
Les réserves de l'avocat des soldats allemands
Selon le modèle pratiqué avec succès en Suède, tous les jeunes de 18 ans reçoivent un questionnaire. Il est obligatoire pour les hommes et facultatif pour les femmes de répondre aux questions, par exemple sur leur condition physique et leur volonté de faire leur service militaire. Les réponses déterminent qui sera ensuite invité à se présenter au recrutement.
L'objectif de la conscription suédoise est de former des réservistes aptes à participer régulièrement à des exercices. Mais Eva Högl, qui est en quelque sorte l’avocat des soldats allemands au parlement fédéral a déclaré : "Je ne pense pas que nous pourrons nous passer d'une forme d'obligation dans le cadre du nouveau service militaire - même si je souhaiterais qu'il soit possible de s'en passer", dit la chargée à la Défense sortante au Parlement allemand.
L’armée allemande manque de personnel
Actuellement, la Bundeswehr compte 182.000 soldats. L'objectif est de passer à plus de 200.000 d’ici à 2031. Eva Högl déplore le faible pourcentage de femmes : il est de 13%, loin des 20% souhaités. Dans le contrat de coalition, le gouvernement prévoit de relever la part des femmes dans l’armée, de même que les personnes issues de l’immigration.
Mais de manière plus générale, la grande muette allemande a besoin de pilotes, de spécialistes en informatique et d’électrotechniciens.
"Si on pense à long terme, il faut penser à comment on peut rendre le service militaire obligatoire. Mais à court terme, il faut penser comment on peut regarder sur le modèle suédois je pense que ces deux modèles doivent être combinés ensemble", propose la professeure Vira Ratsiborynska.
Elle poursuit : "On ne cherche pas vraiment le modèle parfait. Il faut penser à ce qui est meilleur maintenant dans les circonstances actuelles, il faut penser aux défis et inconvénients. Pour les défis, est-ce qu'il y a le personnel, le matériel."
"Il y a des des questions politiques, mais ce qui est important, c'est de trouver le consensus. Il n'y a pas beaucoup de temps et vraiment il faut penser à ce qu'on peut faire maintenant pour réussir par exemple dans 2, 3 ans."
Bientôt l'armée conventionnelle la plus forte d'Europe ?
D'après Eva Högl, le nouveau format de service militaire ne pourrait prendre en compte plus de cinq mille soldats car, dit-elle, il manque des formateurs, de l'équipement et des casernes. Selon le chef d’état-major de l’armée allemande, Carsten Breuer, un plus grand nombre nuirait à la capacité opérationnelle de la Bundeswehr. Mais alors que Berlin prévoit des investissements massifs dans la défense et que le chancelier Friedrich Merz annonce que dans les prochaines années la Bundeswehr doit être l’armée conventionnelle la plus forte d’Europe, comment se porte-t-elle aujourd’hui ?
"Je pense qu'elle est forte, mais il faut penser à l'améliorer un peu plus parce que c'est important d'améliorer la base et d'avoir plus de personnel, plus de motivation, plus de jeunesse. Il faut donc toujours regarder ce qu'on peut améliorer", constate Vira Ratsiborynska.
Si le nouveau service militaire, basé dans un premier temps sur le volontariat ne rencontrait pas un succès suffisant, le nouveau gouvernement fédéral pourrait revenir au service militaire obligatoire. Celui-ci a simplement été désactivé par une loi en 2011, mais n'a pas été supprimé de la Constitution. Il ne s'applique toutefois qu'aux hommes. Si les femmes devaient également être obligées de servir, la Loi fondamentale devrait être modifiée en conséquence. Cela ne serait possible qu'avec une majorité des deux tiers au Bundestag. Ce dont ne dispose pas l’actuelle coalition au pouvoir.
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En Pologne, des cours pour inciter les jeunes à intégrer l’armée
Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, les questions de défense ont pris une importance grandissante au sein de la société polonaise. Dès la rentrée 2023, le ministère de l’éducation a intégré aux programmes scolaires des heures de tir à l’arme à feu dans le cadre des cours d’EPS des lycées. Mais notre correspondant Adrien Sarlat nous emmène visiter un lycée qui a décidé d’aller encore plus loin, en ouvrant une section “Préparation militaire”.
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