Que retenir des 100 jours au pouvoir de Friedrich Merz ?
15 août 2025En Allemagne cela fait maintenant 100 jours que Friedrich Merz est chancelier. Depuis qu'il occupe cette fonction, il s'est fait remarquer sur la scène nationale mais aussi internationale.
Lorsque le Bundestag, le Parlement allemand s'est réuni le 6 mai pour élire le président de la CDU, Friedrich Merz, au poste de chancelier fédéral, certains observateurs avaient parlé de la "dernière chance" pour la démocratie allemande après les disputes qui ont marqué la vie politique du pays.
Car se disputer à nouveau pendant des années comme sous le gouvernement précédent du SPD, des Verts et du FDP déchirerait définitivement la société, augmenterait le populisme de droite et la colère contre les élites à un niveau insupportable. Lors des élections fédérales de février 2025, le parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) avait doublé son score pour atteindre 20,8 % des voix.
Présent sur la scène internationale - mais souvent peu diplomatique
Au cours des 100 jours qui se sont écoulés depuis qu'il est chancelier, Friedrich Merz a surtout été présent sur la scène politique étrangère. Peu après son élection, il s'est rendu en Ukraine avec le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer et a assuré le président Volodymyr Selenskyi de sa solidarité. Pour faire peser les demandes de l'Europe au profit de l'Ukraine avant le sommet entre le président américain, Donald Trump et son homologue russe, Vladimir Poutine, Friedrich Merz a mené plusieurs consultations avec le président ukrainien et des représentants européens et américains. Pour le chancelier allemand, l’Ukraine doit être présente à la table des discussions.
Début juin, il a rendu visite au président américain Donald Trump à la Maison Blanche et, contrairement à certains autres visiteurs, il a été bien traité. Il a aussi fait bonne figure au sommet de l'UE et au sommet de l'OTAN.
Son choix de mots peu diplomatiques a de temps en temps provoqué des remous, par exemple après l'attaque d'Israël contre l'Iran le 13 juin quand il a affirmé que "c'est le sale boulot qu'Israël fait pour nous tous".
Certaines décisions du chancelier Merz comme celle de suspendre l'exportation d'équipements militaires susceptibles d'être utilisés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, ont surpris à l’internationale comme en Allemagne. Pour cause, la sécurité et l'existence d'Israël ont toujours été qualifiés de "raison d'État pour l'Allemagne".
Auparavant, il avait également critiqué Israël et dit ne plus comprendre la stratégie suivie par l'armée dans son action à Gaza.
Des règles plus strictes en matière d'immigration
Sur le plan de la politique intérieure, la question de l'immigration a été dès le début au centre des préoccupations du nouveau gouvernement. Le nouveau ministre de l'Intérieur Alexander Dobrindt (CSU) a voulu limiter l'immigration irrégulière en procédant à des refoulements aux frontières. Avec des refoulements de demandeurs d'asile également, ce qui, selon de nombreuses critiques, est contraire au droit européen.
Après que l'Allemagne a réintroduit des contrôles à la frontière germano-polonaise, la Pologne a réagi en instaurant à son tour des contrôles. Le ministre de l'Intérieur Alexander Dobrindt n'a cessé pourtant de défendre cette politique migratoire restrictive : "L'Europe est une région ouverte sur le monde. Mais nous ne voulons pas que des passeurs illégaux, des trafiquants, des bandes criminelles décident qui vient dans notre région. Nous voulons que les décisions politiques définissent les moyens légaux d'entrer en Europe, mais ne laissent pas cela aux bandes criminelles".
La question de la dette
Sur le plan économique, le nouveau gouvernement avait déjà fait un coup d'éclat avant son entrée en fonction : il a organisé une majorité des deux tiers au Bundestag avec les Verts et a supprimé les règles strictes de la dette allemande. L'Allemagne disposera donc dans les années à venir de 500 milliards d'euros supplémentaires et même de moyens théoriquement illimités pour le réarmement de l'armée fédérale ainsi que 500 autres milliards pour la rénovation des infrastructures et la protection du climat.
Les conservateurs avaient pourtant promis pendant la campagne électorale de s'en tenir aux règles strictes en matière d'endettement. Au Bundestag, le nouveau ministre des Finances, le social-démocrate Lars Klingbeil a donné à ce sujet une précision : "Ces dernières années, l'OCDE, le Fonds monétaire international, la Commission européenne ou le G7 n'ont cessé de demander et de conseiller à l'Allemagne d'investir davantage et d'assouplir les règles d'endettement. Cela n'a pas été possible jusqu'à présent. Mais ici, au Parlement, nous avons enfin desserré ces liens et nous investissons comme jamais auparavant dans la capacité d'avenir de notre pays".
Sondage de la DW sur les débuts du nouveau gouvernement
La DW a voulu savoir dans un sondage auprès des berlinois "Comment les gens ont-ils vécu le début du nouveau gouvernement ?". A cette question les avis sont partagés : Certains s'inquiètent au sujet de la dette et pour d'autres l'essentiel est le maintien de l'unité du pays. "Ça avance, j'espère que ça va continuer comme ça" a confié à la DW un jeune berlinois. Une jeune femme a pour sa part avoué ne pas avoir "voté Merz". Un homme âgé s'est inquiété lui des nombreux nouveaux crédits contractés par le gouvernement. "Je trouve cela grave que des promesses faites avant les élections ne soient pas tenues" a justifié ce dernier. Et enfin, un jeune homme interrogé a dit espèrer que les dirigeants parviennent à maintenir "l'Allemagne unie".
Querelle autour du drapeau arc-en-ciel...
Il est devenu clair, surtout ces dernières semaines, que le gouvernement est à nouveau marqué par des opinions plus conservatrices : Les années précédentes, le drapeau arc-en-ciel avait toujours flotté sur le bâtiment du Parlement à l'occasion du Christopher Street Day, mais cette fois-ci, la nouvelle présidente du Bundestag, Julia Klöckner (CDU), l'a interdit.
Cela a suscité de nombreuses critiques, même si Julia Klöckner a autorisé la levée du drapeau lors de la journée contre l'homophobie du 17 mai. Friedrich Merz a soutenu la présidente, à nouveau avec un choix de mots audacieux : "Le Bundestag n'est pas un chapiteau de cirque sur lequel on peut hisser des drapeaux à volonté. Il y a un jour par an, le 17 mai, où l'on hisse le drapeau arc-en-ciel. Et tous les autres jours, le drapeau allemand et le drapeau européen sont hissés sur le Bundestag".
...et pour un poste à la Cour constitutionnelle fédérale
Malgré de telles disputes, le travail gouvernemental s'est d'abord déroulé sans bruit - jusqu'au dernier jour au Bundestag avant la pause estivale : le gouvernement voulait alors choisir plusieurs candidats pour des postes de juges à la Cour constitutionnelle fédérale. Par le passé, les partis au gouvernement avaient toujours essayé de pourvoir les postes importants de la manière la plus consensuelle possible et sans conflit, afin de ne pas nuire à la réputation de la plus haute juridiction allemande.
Cela n'a pas été le cas cette fois-ci. De nombreux députés conservateurs ont refusé de voter pour la candidate du SPD, Frauke Brosius-Gersdorf. Auparavant, des voix s'étaient élevées contre la candidate, surtout dans les canaux de droite sur les réseaux sociaux. Pour le SPD il s'agit d'une grave rupture de confiance. Cette querelle va certainement marquer la période qui suivra la pause estivale, car le SPD s'accroche encore à sa candidate. Pour l'instant, cette querelle assombrit le bilan du gouvernement après cent jours de mandat.