Débat autour du plan d'investissements de Friedrich Merz
13 mars 2025Dans le programme que défend Friedrich Merz, il est question d'un fonds spécial de 500 milliards d'euros. Cette démarche est entreprise à un moment où le virage stratégique des Etats-Unis contraint l'Europe à prendre en main sa sécurité. Mais la démarche fait débat en Allemagne. Et on se demande notamment si le Bundestag sortant peut assouplir le frein à l'endettement inscrit dans la Loi fondamentale.
Déjà des freins et des réticences
Alors que les négociations pour la formation d'un nouveau gouvernement ne font que commencer, l'ancien parlement devrait rapidement assouplir le frein à l'endettement inscrit dans la Constitution.
La voie pourrait ainsi être ouverte pour investir beaucoup plus d'argent dans l'armée et pour remettre à flot les infrastructures défaillantes grâce à un fonds spécial de 500 milliards d'euros. La première économie européenne, qui a déjà enchaîné deux récessions, ne souhaite pas replonger dans l'état de paralysie budgétaire qui a caractérisé le gouvernement sortant d'Olaf Scholz avec les écologistes et le FDP.
L'Allemagne doit ainsi réformer son modèle industriel étouffé par des coûts de l'énergie élevés et la bureaucratie, le tout dans un contexte tendu alors que Washington vient d'augmenter les droits de douane sur l'acier et l'aluminium européen.
Le problème : il faut une majorité des deux tiers pour pouvoir lancer ce programme d'investissements. Or, le SPD et la CDU/CSU en sont loin au sein du nouveau Bundestag.
Avec les Verts, il serait mathématiquement possible de modifier la loi fondamentale en raison des rapports de majorité au sein de l'ancien Bundestag. Mais les Verts, qui déplorent l'absence d'investissements concrets pour la protection du climat, menacent de mettre leur veto au projet.
La Cour constitutionnelle fédérale a par ailleurs déjà reçu des plaintes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) et de Die Linke. Les deux partis, qui ont amélioré leurs résultats lors des élections fédérales du 23 février, peuvent, grâce à leurs voix, bloquer les modifications constitutionnelles au sein du futur Parlement. D'où sans doute l'urgence d'aller vite avant l'entrée en fonction des nouveaux parlementaires.
Une urgence, "oui" mais...
Le politologue Hans Vorländer, directeur du Centre de recherche sur la Constitution et la démocratie de Dresde, fait une distinction entre la dette prévue pour moderniser l'armée et celle pour rénover les infrastructures dans le pays.
En effet, le changement de stratégie des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine, sous la présidence de Donald Trump, et la possible rupture du partenariat transatlantique en matière de sécurité créent une pression pour agir.
En revanche, le problème des infrastructures en mauvais état est connu depuis longtemps, c'est pourquoi Hans Vorländer estime qu'une décision rapide de l'ancien Bundestag n'est pas obligatoire.
L'ancien président de la Cour constitutionnelle fédérale, Hans-Jürgen Papier, porte un jugement similaire sur les mesures envisagées par la CDU/CSU et le SPD. La justification politique du fonds spécial de 500 milliards d'euros convenu pour le infrastructures sera particulièrement difficile selon lui.
Il estime que l'Etat aurait dû faire face bien plus tôt à l'énorme besoin de rattrapage dans ce domaine.
Hans-Jürgen Papier explique par ailleurs, en se référant à l'article 39 de la Loi fondamentale, que d'un point de vue purement constitutionnel, il n'y a toutefois rien à redire. Selon cet article, la période électorale s'achève avec la réunion du nouveau Parlement. "Le Bundestag actuellement en fonction est donc encore pleinement légitimé démocratiquement ".
Le vote au Bundestag est programmé à l'issue d'une deuxième séance, le 18 mars. Ensuite, le Bundesrat, qui représente les régions, devra encore donner son aval.