"Diversité. Humanité. Cohésion." La vidéo de promotion de la première journée des vétérans d'Allemagne donne la parole à des anciens soldats et souligne les valeurs qui guident la Bundeswehrdepuis sa création il y a 70 ans.
Environ dix millions d'hommes et de femmes sont considérés comme anciens combattants de l'armée allemande. Le 15 juin, ils ont eu droit à leur première journée des vétérans.
Une initiative venue du Bundestag, la chambre basse du parlement allemand, que sa présidente Julia Klöckner justifie ainsi :
"Ceux qui donnent tout pour la sécurité et la liberté de notre pays méritent davantage que quelques mots de remerciement. C'est pourquoi le Bundestag a créé la journée des vétérans. Car les vétérans méritent tout notre soutien, notre reconnaissance et notre respect."
Pourquoi l'Allemagne n'a pas de tradition des vétérans
"Dans d'autres pays, cela va de soi, mais chez nous, ce n'était pas du tout établi jusqu'à présent", souligne David Hallbauer. Ancien soldat en mission à l'étranger, il est devenu vice-président de l'Association allemande des vétérans en mission et militait depuis des années pour l'instauration d'une journée de reconnaissance des anciens combattants.
Le fait qu'une telle journée "n'aille pas de soi" en Allemagne a des raisons historiques.
Après la Seconde guerre mondiale, l'Allemagne abolit la journée de commémoration des héros nazis, la remplaçant par une journée de deuil national.
La Wehrmacht est dissoute et l'Allemagne privée d'armée pendant toute une décennie. A cette époque également, les associations d'anciens combattants sont interdites. Lorsque la Bundeswehr est créée en 1955, la tradition des vétérans ne revient pas tout de suite.
Ce n'est qu'à partir des années 1990 que les choses changent. De plus en plus de soldats allemands sont envoyés en mission à l'étranger, dans les Balkans, puis en Afghanistan et en Afrique.
L'instauration d'une journée nationale des vétérans a été un long chemin : ce n'est qu'en avril 2024 que le Bundestag a adopté cette mesure à une large majorité. Seul le parti de gauche Die Linke s'est abstenu, critiquant cette journée comme une "politique de symbole".
La gauche critique une publicité déguisée pour l'armée
La gauche radicale et antifasciste s'est d'ailleurs mobilisée dimanche 15 juin pour protester contre la journée des vétérans, alors qu'une soixantaine d'événements - services religieux, expositions ou fêtes populaires - étaient organisés à travers l'Allemagne.
Elle critique notamment une "mise en scène de la journée des vétérans comme un événement familial à caractère publicitaire pour l'armée".
"La fonction de la journée des vétérans est de normaliser l'image de la Bundeswehr en tant qu'employeur", estime Ingar Solty, chargé des questions de paix et de sécurité pour la fondation Rosa Luxemburg, proche du parti Die Linke.
"L'armée allemande a d'énormes problèmes de recrutement. Malgré de grandes actions publicitaires, comme la distribution de produits de boulangerie ou de pizza gratuites, le nombre de volontaires reste très faible. C'est pourquoi la Bundeswehr est maintenant présentée comme un employeur normal, et la journée des vétérans est un élément qui est censé contribuer à cela."
Ces dernières années, les dépenses militaires de l'Allemagne ont considérablement augmenté : le pays est premier au niveau européen avec 2,1% de son PIB consacré à son armée, soit 77,8 milliards d'euros, selon le dernier rapport du SIPRI, l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.
Forte hausse des dépenses militaires
Le pays devrait poursuivre sur sa lancée puisque le gouvernement de Friedrich Merz a récemment annoncé son intention d'augmenter l'investissement à 5% du PIB, pour doter le pays "de l'armée la plus puissante d'Europe".
L'objectif affiché est de faire face aux menaces sécuritaires qui se multiplient en Europe, notamment depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Un prétexte, selon Ingar Solty, de la fondation Rosa Luxemburg.
"En Allemagne, il y a toujours eu un consensus parmi les élites de la politique étrangère pour plus d'armement, plus de missions de guerre de la Bundeswehr, mais la population ne l'a suivi qu'à contrecœur. Depuis la fin des années 1990 déjà, ces élites partent du principe que l'Allemagne ne peut pas se permettre d'être un géant économique mais un nain en matière de politique étrangère. On a donc travaillé avec détermination à réarmer la Bundeswehr et à la transformer en une armée 'hors zone' afin 'd'assumer davantage de responsabilités', comme on disait alors."
La stratégie semble payer. Selon un sondage réalisé début juin pour l'ARD, plus de la moitié des Allemands approuvent l'augmentation des dépenses militaires à 5% du PIB, 7% sont même d'avis qu'il faudrait aller plus loin.
Le retour du service militaire obligatoire, longtemps désapprouvé par l'opinion, fait également son chemin. Mais pour Inga Solty, la tendance pourrait rapidement de nouveau s'inverser, "dès qu'il sera clair que ce réarmement sera compensé par des coupes sociales, c'est-à-dire que les intérêts de la dette devront être payés par le budget courant. Le vice-chancelier Lars Klingbeil veut économiser 91 milliards d'euros et à un moment donné, on se rendra compte que les chars de combat ne protègent pas le climat, qu'on ne peut pas vivre dans des drones et que les grenades ressemblent certes à des ananas, mais qu'elles ne sont pas particulièrement digestes."
Améliorer l'aide aux soldats traumatisés
En attendant, la journée des vétérans a aussi une autre fonction. Le parlement a également promis d'améliorer l'aide aux anciens combattants de retour de mission et à leurs familles.
Du point de vue de la communauté des vétérans, c'est surtout dans ce domaine qu'il y a encore beaucoup à faire : la lenteur des examens et les obstacles bureaucratiques font souvent que les soldats traumatisés en mission doivent attendre longtemps avant d'être aidés.
Andreas Eggert a été soldat pendant 25 ans, dont sept fois en mission en Afghanistan. Il en est revenu à 49 ans avec un trouble de stress post-traumatique.
"Nous souhaitons des procédures plus rapides et plus simples. En s'inspirant du Danemark, qui dit justement : l'homme était en mission à ce moment-là, il était en bonne santé avant, maintenant il est malade. Il y a donc une probabilité qu'il soit tombé malade en mission, et voilà. C'est comme ça que font les Danois. Cela se passe nettement mieux là-bas".
En Allemagne, les personnes concernées doivent prouver que c'est l'intervention qui les a rendues malades, plus précisément un événement particulier survenu en intervention. Cela peut être très difficile et prend souvent beaucoup trop de temps.
Entretemps, Andreas Eggert a quitté la Bundeswehr et s'engage bénévolement pour aider les anciens combattants blessés en mission. Pour lui, la journée des vétérans doit aussi servir à dialoguer avec ceux qui critiquent la Bundeswehr et ses opérations.
Avec la contribution de Nina Werkhäuser
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