L'Allemagne suspend son aide au sauvetage en Méditerranée | Comment Frantz Fanon a contribué à l'indépendance de l'Algérie
Deux millions d'euros par an qui tombent à l'eau : la décision du gouvernement allemand, composé de la CDU/CSU et du SPD, de ne plus soutenir financièrement le sauvetage de migrants en Méditerranée fait beaucoup de bruit en Allemagne.
Sur les 21 organisations européennes actives dans le sauvetage civil, dix sont allemandes. En 2022, le Bundestag avait décidé de leur accorder un soutien annuel, dans un premier temps jusqu'en 2026.
Pour la période 2023-2024, Sea-Eye, SOS Humanity, SOS Méditerranée, RESQSHIP ou encore Sant'Egidio ont reçu deux millions d'euros, plus environ 900.000 euros au premier trimestre cette année.
L'objectif étant de venir en aide aux passagers des embarcations à la dérive afin d'éviter de nouveaux morts en Méditerranée.
Combattre les racines de l'exil plutôt que sauver : la nouvelle politique allemande
Mais le nouveau ministère des Affaires étrangères a décidé de supprimer ce poste budgétaire. Le ministre, Johann Wadephul, a toujours été critique à l'égard du sauvetage civil en mer. Il a défendu sa position lors d'une conférence de presse le 27 juin.
"Je ne pense pas que ce soit une tâche du ministère des Affaires étrangères d'utiliser des fonds pour cette forme de sauvetage en mer. En ce sens, nous avons changé de politique. Mais ma politique consistera à faire en sorte de limiter, par des moyens diplomatiques, de tels mouvements de fuite."
La nouvelle politique de l'Allemagne prévoit d'agir à la source, "là où la détresse est la plus grande" - en Afrique principalement, selon le ministre des Affaires étrangères qui prévoit de renforcer ses activités sur le terrain.
Pour ce qui concerne le sauvetage, on compte sur les garde-côtes italiens ou sur le dispositif européen Frontex pour assurer ce devoir humanitaire, comme l'a confirmé le porte-parole du ministère, Christian Wagner.
"Cela ne remet pas en question le sauvetage en mer, qui est aussi un devoir. Il s'agit seulement de savoir si cela doit se faire avec le soutien de l'État".
Déjà près de 750 morts en 2025 en Méditerranée
Une des opérations de sauvetage nocturnes de l'ONG See-Watch a coïncidé avec la journée mondiale des réfugiés, le 20 juin 2025. Même si le navire n'est autorisé à accoster que dans un port éloigné, 70 personnes sont sauvées ce jour-là de la noyade.
Quelques jours plus tôt, une soixantaine d'autres personnes, dont des femmes et des enfants, ont été portées disparues au large de la Libye. Seuls cinq survivants sont repêchés.
Des chiffres qui montrent à quel point cette traversée, souvent dans des embarcations de fortune, est dangereuse. Selon l'Organisation internationale pour les Migrations, 748 personnes sont mortes ou disparues depuis le début de cette année. Et plus de 32.000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014.
La Méditerranée est considérée comme une des routes migratoires les plus meurtrières au monde, mais cela ne suffit pas à retenir les candidats à l'exil.
Pour les organisations de sauvetage, la suppression des subventions est donc un "signal fatal" et un témoignage d'échec pour le respect des droits de l'Homme. Marie Michel est porte-parole politique de l'ONG SOS Humanity.
"Cette décision est une preuve d'indigence très claire et triste. Surtout si nous considérons que le gouvernement fédéral actuel a inscrit dans son accord de coalition la protection de l'aide humanitaire et la poursuite de l'humanité. Les deux millions d'euros décidés par le Bundestag en 2023 comme subvention annuelle jusqu'en 2026 constituaient déjà un soutien très modeste et n'étaient déjà qu'une petite étincelle de solidarité."
Deux opérations de sauvetage sur la sellette pour SOS Humanity
L'organisation SOS Humanity participe depuis dix ans au sauvetage en mer avec son navire Humanity 1. Selon ses propres dires, elle a pu secourir plus de 38.000 personnes. Au total, les ONG ont secouru plus de 175.000 personnes en Méditerranée. La suppression du soutien financier du gouvernement allemand représente une chute de financement sensible pour SOS Humanity.
"Selon nos prévisions, nous aurions pu financer avec cet argent deux opérations de sauvetage avec notre navire de sauvetage Humanity 1. Cela signifie qu'il y a maintenant bien sûr un déficit de dons, mais nous espérons beaucoup de la large alliance sociale et du soutien que nous recevons du milieu de la société".
En mai 2025, Marie Michel était à bord du Humanity 1 en tant qu'observatrice des droits de l'homme. Le bateau a pu sauver 297 personnes dans quatre opérations de sauvetage et les conduire vers les ports italiens de La Spezia, Ravenne et Bari.
Mais le travail en Méditerranée devient de plus en plus difficile en raison du climat politique en Europe, déplore Marie Michel.
"Ce que nous observons de plus en plus depuis quelques années, c'est une déshumanisation des personnes en quête de protection qui fuient le Sud mondial par la Méditerranée centrale. Ces personnes sont privées de leurs droits fondamentaux, elles sont laissées seules en Méditerranée, on les laisse mourir, et cette déshumanisation des personnes en quête de protection est ensuite transmise à ceux qui sont solidaires et qui apportent une aide humanitaire."
Le SPD réclame le rétablissement des subventions
Lors de leur congrès annuel, les délégués du parti social-démocrate - allié du gouvernement de Friedrich Merz - ont réclamé le rétablissement du soutien fédéral aux organisations de sauvetage en mer.
Le chancelier, quant à lui, a participé, en marge du sommet européen du 29 juin à Bruxelles, à une réunion organisée par les pays les plus offensifs contre l'immigration autour de la cheffe d'extrême droite du gouvernement italien Georgia Meloni.
Une première pour l'Allemagne, dix ans après la déclaration de l'ex-chancelière Angela Merkel "Wir schaffen das" - "on va y arriver" lors de l'afflux de réfugiés syriens en 2015.
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Frantz Fanon et l'indépendance de l'Algérie
Vu d'Allemagne, deuxième partie... Il y a 63 ans, le 5 juillet 1962, l’Algérie accédait à l’indépendance après huit ans de lutte armée contre la France, alors puissance coloniale.
Des historiens estiment à 500 000 le nombre de morts algériens, et selon le ministère français des armées, près de 25 000 militaires ont aussi perdu la vie.
En juillet 2025, un homme qui s’est engagé très tôt pour l’indépendance de l’Algérie, aurait eu 100 ans : Frantz Fanon. Psychiatre émérite, c’est une figure majeure des luttes de libération, théoricien de la décolonisation et combattant actif aux côtés du FLN, mouvement de libération algérien.
Si pour les Algériens, Frantz Fanon est l’un des héros de l’indépendance, son rôle durant la guerre de libération, et son œuvre, restent largement méconnus du grand public. Un reportage de Nadir Djennad.