Les objectifs de Poutine lors de sa rencontre avec Trump
14 août 2025Comment mettre un terme à la guerre en Ukraine ? la question sera au centre de la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska. Une rencontre prévue demain vendredi. Ce sera le premier face-à-face entre les deux hommes depuis la réélection de Donald Trump à la Maison blanche.
Vladimir Poutine pourrait accepter, malgré ses réticences, un accord de cessez-le-feu.
Tête-à-tête
Donald Trump claironnait à la mi-juillet qu'il n'en avait "pas fini" avec Vladimir Poutine. Le président américain était alors irrité du refus de son homologue russe de cesser les combats en Ukraine.
C'est à la suite de la visite de l'envoyé spécial américain Steve Witkoff au Kremlin le 6 août dernier que la Maison Blanche et la présidence russe ont annoncé une rencontre entre les deux chefs d'État.
La teneur exacte des discussions prévues en Alaska n'a pas été dévoilée. Il est toutefois évident qu'il s'agira de l'Ukraine, qui ne sera pas représentée lors de cette rencontre.
Vladimir Poutine, au contraire, pourrait profiter de ce rendez-vous avec Donald Trump, comme l'explique Mikhaïl Kassianov, qui a été Premier ministre russe de 2000 à 2004.
"Poutine a toujours veillé à ce que lui et le président américain – qui que soit son homologue du moment – décident du sort de la planète et que les images correspondantes fassent le tour du monde."
L'opposant politique russe Dmitri Gudkov, qui vit en exil, affirme que la rencontre en Alaska sera également une occasion unique pour le président russe de serrer la main d'un des dirigeants du monde occidental.
"Pour Poutine, le simple fait d'avoir la possibilité de rencontrer Trump est déjà un énorme avantage. Trump légitime en quelque sorte un criminel de guerre et lui donne ainsi le droit de participer à des négociations avec l'Occident."
Fin juillet, Donald Trump avait fixé à Vladimir Poutine un ultimatum de 50 jours pour trouver une solution pacifique à la guerre en Ukraine, ultimatum qu'il a ensuite réduit à dix jours.
Il se peut que le fait de savoir que Donald Trump perdait patience ait incité le Kremlin à accepter les négociations à venir.
Kirill Rogow, politologue et directeur du média en ligne russophone "Re:Russia", souligne aussi la détérioration de l'économie russe :
"Poutine espère également pouvoir vendre son accord aujourd'hui à un prix bien plus élevé que celui qu'il pourrait obtenir plus tard. Car d'ici la fin de l'année, il se trouvera dans une situation encore plus délicate s'il s'avère que l'offensive russe n'a guère d'effets et que la situation sur le champ de bataille ne change pas."
L'opposant Dmitri Gudkov estime qu'un cessez-le-feu aérien profiterait davantage à la Russie qu'à l'Ukraine. Un tel accord empêcherait les attaques ukrainiennes en territoire russe, qui ont aussi une visée psychologique, pour rapprocher la guerre de la population russe. Tandis que la Russie, elle, pourrait continuer son offensive terrestre en Ukraine.
D'autant que dans le même temps, en raison de nouvelles sanctions américaines, la Russie perdrait l'Inde comme acheteur de pétrole brut et serait contrainte de se préparer à une offensive en Ukraine, pour la troisième année consécutive.
À qui profite un cessez-le-feu dans l'espace aérien ?
La semaine dernière, l'agence de presse Bloomberg a rapporté, en citant des sources anonymes, que le Kremlin avait compris que la visite de Steve Witkoff était sa dernière chance de parvenir à un accord avec Donald Trump. La "concession" du Kremlin pourrait être un cessez-le-feu dans l'espace aérien.
Selon Dmitri Gudkov, une telle approche coordonnée avec l'administration Trump profiterait avant tout à Moscou et non à Kiev. En effet, l'Ukraine a mené des contre-attaques "efficaces" qui ont récemment entraîné la fermeture fréquente d'aéroports russes.
De plus, des dépôts d'armes, des équipements militaires et des raffineries de pétrole seraient touchés en Russie. Des attaques aux visées psychologiques, selon l'opposant : pour que les Russes comprennent que la guerre fait rage près de chez eux et pas seulement à la télévision. Or, selon Dmitri Gudkov, "si ces frappes aériennes cessent, Poutine continuera tranquillement à avancer par voie terrestre [en Ukraine], où il a l'avantage sur l'ennemi".
"Attitude particulière envers Poutine"
Même si la rencontre en Alaska ne débouche sur rien de concret, le politologue Kirill Rogov estime qu'elle aura des répercussions :
"Poutine peut compter sur l'indulgence de Trump, car l'attitude de ce dernier envers Poutine a toujours été particulière. Trump évite toujours les situations dans lesquelles une pression directe est exercée sur Poutine. Et chaque fois que la pression semble inévitable, Trump déclare qu'il existe une nouvelle possibilité de parvenir à un accord et n'exerce donc aucune pression réelle."
Le chercheur en veut notamment pour preuve les négociations entre les deux chefs d'État annoncées dans le contexte de l'expiration de l'ultimatum lancé au Kremlin par Washington.
Qu'est-ce qui peut mettre le Kremlin sous pression ?
Dmitri Gudkov estime qu'il n'existe plus vraiment de moyens de faire pression sur la Russie. Par exemple, malgré les sanctions, des centaines de pétroliers continuent de transporter du pétrole russe à travers les océans.
L'opposant russe lie l'espoir d'un cessez-le-feu rapide moins à des facteurs externes qu'à des facteurs internes qui pourraient mettre le Kremlin sous pression.
Selon lui, plus la guerre durera, plus il sera difficile pour Vladimir Poutine de présenter l'issue du conflit comme une victoire russe : "À un moment donné, les Russes se moqueront de savoir si l'Ukraine fait partie de l'Otan et comment cette guerre se terminera, l'essentiel sera pour eux aussi qu'elle se termine".