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EconomieAfrique

"La croissance doit dépasser la natalité en Afrique" (Régis N’Sondé)

Jean-Fernand Koena
27 août 2025

Malgré le lancement de la Zlecaf, l’Afrique reste confrontée à des défis majeurs : la lente harmonisation des règles qui freine les échanges alors que le PIB peine à suivre la natalité.

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La Zlecaf est le projet de zone de libre-échange en cours de création sur l'ensemble du continent africain. Elle doit regrouper 54 États signataires, dont 48 ont ratifié l'accord.

La forte dépendance à l’exportation des matières premières ralentit par ailleurs la croissance et la dynamique économique du continent. Pour sortir de cette situation, Régis Olivier N’Sondé, directeur exécutif du Fonds monétaire international, plaide pour la diversification de l’économie africaine et la mise en place de réformes fiscales et douanières.

Entretien
DW : Monsieur Régis N’Sondé, bonjour.

N’Sondé : Bonjour Monsieur Koena, merci de nous recevoir sur votre chaîne.

DW : Alors, l'Afrique, avec une population d’un milliard cinq millions d’habitants et un taux de croissance de 3 à 4 %, qu’est-ce que cela représente aujourd'hui en termes de marché dans le monde ?

N’Sondé : Vous avez donné les chiffres démographiques de l'Afrique. C'est impressionnant que la population continue de croître de manière exponentielle, avec une proportion très importante de jeunes dont il faut s’occuper et à qui il faut fournir du travail. Nous avons donc besoin de booster la croissance pour réduire la pauvreté et augmenter le revenu par habitant.
Il est important que la croissance du PIB soit nettement supérieure à celle de la natalité ; or, 3 à 4 % reste très insuffisant, trop bas. Les politiques publiques devraient donc s'orienter vers le soutien à la croissance et la recherche de nouvelles sources de développement.

Comme vous le savez, les incertitudes liées aux politiques commerciales mondiales créent des vulnérabilités pour nos pays, à la fois sur le plan commercial et sur le plan de la croissance. Nous devons donc trouver de nouvelles sources de dynamisme économique. L’Afrique représente un marché très important.

Comme vous l'avez dit, pour le consommateur, nous devons mettre en place les mesures nécessaires afin de rendre l'investissement attractif, permettre aux investisseurs de venir s'installer non seulement dans le secteur des infrastructures routières, mais aussi dans les infrastructures énergétiques, qui sont extrêmement importantes.

La perspective de l'accord de libre-échange continental africain est une opportunité à saisir, et nous devons nous y préparer pour relever le défi de la croissance et de la transformation.

DW : Parmi ces défis, il y a la forte dépendance aux matières premières. Comment l'Afrique peut-elle se départir de cette dépendance ?

N’Sondé : Toutes les politiques que j’ai évoquées contribueront à diversifier les économies et à ouvrir de nouvelles sources de croissance pour réduire cette dépendance. Nos économies restent vulnérables aux fluctuations des prix des matières premières. Il faudrait donc transformer ces matières premières sur place, en produits finis, et développer de nouvelles sources d'exportation, non seulement vers l'extérieur, mais aussi à l'intérieur du continent.
Chacun de nos pays possède un avantage comparatif dans un domaine donné et devrait se spécialiser afin de favoriser les échanges intra-africains.

DW : L'Afrique n'est pas non plus épargnée par la guerre commerciale menée par l'administration Trump. Pensez-vous qu’aujourd’hui l'Afrique a des opportunités pour amortir le choc ou reste-t-elle condamnée à une fragilité extrême ?

N’Sondé : Nous avons deux types de pays. D’un côté, ceux dont les économies sont directement liées, sur le plan commercial, à celle des États-Unis, notamment via l’AGOA ou d’autres accords. Ces pays, qui exportent énormément, seront directement impactés et soumis à des tarifs douaniers importants.

De l’autre côté, les pays qui n'ont pas nécessairement de forts échanges commerciaux avec les États-Unis, mais qui seront tout de même affectés, de manière indirecte, par des effets de contagion.
Il est donc essentiel que tous ces pays – qu’ils soient directement ou indirectement touchés – se préparent à ce nouveau défi. Une fois encore, l'accord de libre-échange continental offre une perspective très intéressante.

Il est temps de faire avancer ce projet africain, qui permettrait de sortir non seulement de la dépendance aux ressources naturelles, mais aussi d’un commerce mondial instable, afin de développer des échanges beaucoup plus stables. Les échanges intra-africains représentent en ce sens une véritable opportunité.

DW : En termes de politiques publiques, quelles réformes seraient nécessaires pour atteindre ces objectifs et faire face, de façon structurelle, à ces défis ?

N’Sondé : Le défi majeur, selon moi, est celui de la mobilisation des ressources. Cela comporte plusieurs volets, notamment la mobilisation des ressources internes. Nos pays doivent relever ce défi en mobilisant des ressources additionnelles.

Quand on regarde le ratio des revenus budgétaires par rapport au PIB, il reste relativement bas. Nous devons atteindre un niveau de 15 à 20 %. Nous en sommes encore très loin. Il faut déjà s’attaquer aux exonérations fiscales et douanières qui privent nos budgets de ressources importantes. Ces exonérations doivent être ciblées sur des secteurs porteurs de croissance et rester temporaires, non permanentes.

En plus de la mobilisation des ressources internes, il y a évidemment celle des ressources extérieures. Nous devons reconnaître qu’il est difficile pour nos pays de se développer entièrement sans financement extérieur.

DW : Monsieur Régis N’Sondé, je vous remercie.

N’Sondé : C'est moi qui vous remercie.