"La démocratie consiste à garantir toutes les formes de vie"

C'est en marge des Deuxièmes Assises Africaines de la Démocratie de Dakar, que l'historien et politologue camerounais Achille Mbembe s'est prononcé sur l'état de la démocratie sur le continent et les solutions pour une Afrique souveraine et juste.

Voici son intervention au micro de la DW :

Achille Mbembe : La démocratie, c'est le projet qui consiste à garantir toutes les formes de vie : soins, sécurité et protection. Cela passe par plusieurs types de mécanismes institutionnels et de formes de délibérations. Cela exige évidemment un minimum de justice entre les générations. Cela exige aussi et surtout pour ce qui nous concerne en Afrique, le démantèlement du patriarcat et l'avènement d'une société de personnes égales, à commencer par les hommes et les femmes en particulier.

Au cours des 60-70 années d'indépendance en Afrique, les systèmes politiques qui sont les nôtres sont rarement parvenus à garantir la minimum sécurité physique à nos populations. Je ne parle même pas de la sécurité existentielle, à savoir l'accès à la nourriture, à la santé, à l'eau potable, etc. Ces systèmes ont justement échoué à procurer cette sécurité. Il s'en est suivi que nos pays souffrent aussi d'un manque de souveraineté.

DW : Aujourd'hui, croyez-vous que la démocratie peut résister au vent populiste qui souffle dans certains Etats africains ?

Achille Mbembe : Oui, on y croit ! Je pense que nous nous en sortirons en mobilisant, en faisant le pari de l'intelligence collective des Africains. Cette intelligence collective nous oblige à reconnaître que nous ne nous en sortirons pas par la guerre, par exemple. Les guerres civiles qui ont eu lieu chez nous n'ont mené à rien, sinon à la destruction. Cette intelligence collective nous oblige également à admettre que nous ne nous en sortirons pas en rejetant sur d'autres les responsabilités qui sont, avant tout, les nôtres. Et que, c'est en assumant ces responsabilités, en devenant responsable de la marche de notre continent et du monde en général, que nous allons accroitre les espaces de souveraineté. Nous sommes appelés à bâtir, à construire ces ressources de la souveraineté. Et cette construction ne peut aboutir à des résultats positifs que si elle repose sur la liberté et le soin apporté à l'égalité de tous et à la justice intergénérationnelle.