Le parc national des Virunga célèbre ses 100 ans
Le parc national des Virunga, situé dans l’est de la République démocratique du Congo, célèbre le centenaire de sa création cette semaine.
C'est donc en 1925 que ce site a vu le jour, il est le plus ancien parc national d’Afrique et l’un des plus riches en biodiversité du continent.
Méthode Uhoze est le directeur des relations extérieures du parc des Virunga. Il nous explique la richesse de cette aire protégée inscrite au patrimoine de l'Unesco, mais aussi des défis auxquels le parc fait face, liés aux groupes armés présents dans la région et à la croissance démographique environnante.
Interview de Méthode Uhose par Pascal Muhindo Mapenzi, notre correspondant à Beni
DW : Quel est l'état des lieux du parc des Virunga, protégé depuis 100 ans ?
Ce centenaire, malheureusement, arrive dans une situation difficile parce que comme vous le savez, 50 % de l'étendue du parc est située dans la zone contrôlée par les rebelles.
Il y a une situation sécuritaire terrible qui a impacté le parc pendant les 20 dernières années.
Malgré tous les défis, malgré toutes les pressions, le parc a réussi à préserver toutes les espèces qui lui sont reconnues depuis sa création.
Le Virunga à lui seul regorge des trois espèces de grands singes qui existent dans le monde : nous avons les gorilles de montagne, il y a les gorilles des plaines, il y a aussi les chimpanzés.
Il y a des plaines, il y a des montagnes, il y a des lacs, de la neige, il y a toute cette chaîne de montagnes avec les éruptions volcaniques, il y a le lac Édouard, le plus poissonneux, avec de nombreuses espèces d'animaux.
Il y a des rivières qui sont à l'intérieur, il y a des altitudes qui varient de 5.000m d'altitude à 800 mètres.
Cependant, pour qu'on arrive à ces résultats, il y a eu des vies humaines qui ont été sacrifiées.
Le parc a perdu plus de 200 membres de son personnels.
DW : Le parc fait face à de nombreux défis…
Le grand défi, c'est le défi sécuritaire. On se pose 1000 questions par rapport à l'avenir de ce parc, si la situation sécuritaire ne s'améliore pas.
Toutes ces guerres qui se sont succédées à l'est de la RDC, mais également tous ces groupes armés qui sillonnent autour et dans le parc impactent fortement la conservation.
Et ces groupes qui sont installés dans le parc ont développé une économie illégale.
Ils font l'exploitation illégale des ressources et ils s'enrichissent aussi derrière cette exploitation.
Et ça fait que les moyens qu'ils tirent de ce genre d'activités illégales les aide à se consolider davantage et c'est ce qui amène ces cycles de conflits que l'est de la RDC a connu pendant une vingtaine d'années.
DW : A sa création, le parc de Virunga comptait des centaines de milliers d’habitants tout autour. Aujourd'hui, on estime ces populations à plus de 5.000.000 d'habitants. Autour du parc, il y a des quartiers, certaines zones du parc sont devenues des chambres de population. Comment gérez-vous cette situation ?
Toutes les grandes villes de la province se situent la plupart à moins d'une journée de marche à pied pour arriver à la limite [du parc].
[La présence de] tous ces gens exerce une sorte de pression sur les limites [du parc].
Les réalités démographiques ont évolué, les gens ont besoin d’espace. Mais les espaces ne grandissent pas, ça fait qu'il y a une pression.
C'est vraiment un des très grands défis sur lesquels nous devons nous concentrer pour les prochaines années à venir. Nous avons entamé un grand programme de démarcation participative des limites. Il devient urgent de clarifier ces limites pour que chacun sache où [la frontière du parc] passe exactement.
DW : A combien peut-on estimer le pourcentage de la superficie du parc qui est déjà envahie [par des gens] ?
Aujourd'hui on estime à 13 % la superficie du parc envahie. Il y a des envahissements dus à des guerres qui se sont succédées dans la zone, il y a des envahissements facilités par les groupes armés, chaque envahissement a sa propre couleur. Les solutions à apporter à ces envahissements diffèrent également.
DW : Qu'est-ce qui est en train d'être fait en faveur des populations riveraines autour du parc pour qu'elles comprennent exactement que ce patrimoine est aussi le leur ?
Il y a tout l'impact que le tourisme apporte au bénéfice des communautés qui peut motiver ces communautés à dire voilà, on voit l'intérêt, l'intérêt que le parc soit dans notre milieu, mais c'est du côté du tourisme où on sent que les choses n'ont pas bien évolué à cause de cette situation sécuritaire, mais également toutes les maladies, les pandémies qui se sont développées dans dans le pays.
Le parc est impacté par la guerre du M 23, mais également tout l'activisme des groupes armés.
Il y a beaucoup d'activités qui n'ont pas pu être réalisées parce qu'il y a la guerre. C'est notamment tous les circuits touristiques, mais également beaucoup de projets qui étaient en train d'être mis en œuvre mais dont la situation sécuritaire n'a pas permis que ces projets-là continuent.
DW : Aujourd'hui, ce sont les 100 ans du parc de Virunga. Comment vous voyez l'avenir de ce parc ?
L'avenir sera meilleur si nous tous, nous prenons conscience de sa valeurs, de son importance et de tout ce que ce parc peut apporter.
Parce que, comme vous le savez, l'impact des communautés riveraines sur la préservation est très capital.
Nous allons multiplier nos rencontres, nos échanges avec les communautés et si on arrive à avoir la même vision, la même compréhension des choses, nous allons nous en sortir par rapport à tous les défis qui nous font peur aujourd'hui.