En Guinée, cela fera un an jour pour jour demain qu’Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah ont disparu. Ces deux militants du Front national de défense de la Constitution (FNDC) ont été arrêtés par des hommes armés au domicile de Fonike Menguè, après avoir appelé à protester, le 9 juillet 2024, contre la cherté de la vie et contre la répression des médias par les autorités de transition.
A l’occasion du premier anniversaire de leur disparition, 25 organisations de défense des droits humains appellent les autorités guinéennes à faire la lumière sur ce qui est arrivé à Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, dont les proches n’ont plus de nouvelles. Mais aussi à respecter, plus largement, leurs propres engagements en matière de droits humains.
Interview de Souleymane Sow, directeur exécutif d'Amnesty International Guinée
DW : Souleymane Sow, vous lancez un appel, un an après la disparition de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah à Conakry. Avez-vous eu des nouvelles d'eux ou de l'enquête diligentée par les autorités?
Effectivement, ça fait un an jour pour jour que nos collègues activistes et défenseurs des droits humains, Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah sont portés disparus d- epuis le 9 juillet 2024 - et malheureusement depuis lors jusqu'à date, nous n'avons eu aucune information.
Malheureusement, cil n'y a aucune information et de connaissance même des personnes qui devaient être entendues.
Et malheureusement depuis cette annonce, et même après les autres disparitions, il y a toujours ces annonces d'ouverture d'enquêtes et après, il n'y a plus de suite.
Donc nous interpellons les autorités guinéennes à revenir devant le peuple de Guinée parce que c'est devant le peuple de Guinée qu'elles sont venues communiquer et annoncer l'ouverture de ces enquêtes pour dire s'il y a eu ou pas des résultats par rapport à ces enquêtes.
Annoncer des enquêtes sans jamais annoncer des résultats ou de la fermeture de ces enquêtes évidemment, c'est très difficile à vivre pour les parents et les proches de ces victimes.
DW : Dans votre appel, vous dénoncez un "climat de terreur" en Guinée. Quel est l'impact sur le quotidien des Guinéens et des Guinéennes?
Oui évidemment, quand vous voyez les deux activistes Oumar Sylla, Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah qui disparaissent.
Et puis après c'est un journaliste d'investigation, Habib Marouane Camara, et puis après c'est notre activiste de la société civile, Abdoul Sacko, même si lui il a été retrouvé le lendemain, mais dans un état très critique.
Et puis après c'est un avocat qui donne ses positions aussi très libres dans les médias, qui est aussi enlevé et heureusement, qui est retrouvé le même jour.
Et donc ça donne quand même un climat d'inquiétude, de peur pour tout le monde, sachant que les autorités guinéennes ont fermé des médias pour la première fois dans ce pays. Il y a plus de radio ou de télé.
Il y en a 3 ou 4 qui ont été fermées. Tout récemment, il y a euun tour de vis contre des journalistes, les web TV ou bien des journalistes en ligne.
Donc ce serait rétrécissement de l'espace civique qui est de plus en plus difficile.
Sachant que quand vous prenez la Charte de la transition qui avait été vendue au peuple de Guinée avec des très beaux mots, avec un texte mais vraiment bien fait, le peuple de Guinée espérait. Mais aujourd'hui, quand vous prenez cette Charte de la transition et vous regardez la réalité, le respect de cette Charte de la transition...
Ça pose énormément de questions parce que la plupart des articles dans cette Charte de la transition disaient très bien que rien ne pouvait justifier les violations des droits humains.
La situation du respect des droits humains aujourd'hui pose véritablement des problèmes.
DW : Que faut-il, selon vous, pour convaincre les autorités au pouvoir depuis le putsch de 2021, de renoncer à cette violence dirigée contre des civils et respecter leurs engagements en matière de droits humains?
Nous appelons les autorités guinéennes à respecter la Charte de la transition qu'elles ont elles-mêmesproposé au peuple de Guinée.
Aujourd'hui nous sommes en train de parler de cet avant-projet de Constitution qui va être soumis au référendum.
On peut dire tout ce que nous voulons de cette Constitution, mais si c'est pour qu'elle ne soit pas respectée comme la charte de la transition n'est pas respectée, à quoi bon d'avoir des textes ?
Donc nous continuons.
Nous espérons que ce dialogue va continuer avec les autorités et que les autorités guinéennes vont revenir à de meilleurs sentiments pour réouvrir cet espace civique, pour garantir les libertés fondamentales.
À permettre aux uns aux autres de donner leur avis, de donner leurs opinions et que personne ne soit menacé ou qu'il ait peur de s'exprimer ou de donner son avis.
Si nous voulons parler de développement dans un pays, forcément il faut la démocratie.
Si nous voulons parler de la démocratie, il faut parler du respect des droits humains.
Nous ne pouvons pas parler de développement d'un État si ces règles de jeu démocratiques ne sont pas garanties, si les libertés individuelles, la sécurité des uns et des autres ne sont pas garanties.
Or, aujourd'hui, il y a des opportunités de développement dans ce pays mais les partenaires, les industriels ne pourront venir investir en Guinée que s'il y a un climat de sécurité.
Mais si c'est on commence à parler des disparitions ou que des uns et des autres ne puissent pas donner leur avis librement sans risque d'être enlevé ou de subir des menaces ou autres, évidemment, ça deviendrait très compliqué pour notre pays.
Donc nous appelons les autorités guinéennes à réouvrir l'espace civique, à permettre aux uns et aux autres de s'exprimer librement, de donner leur opinion, c'est ce qui peut permettre aussi de participer au développement de notre pays.
Donc nous appelons les autorités guinéennes à revenir non seulement sur cette interdiction de toutes les manifestations, de revenir sur cette décision de suspension des licences des médias et évidemment de libérer de tout mettre en œuvre pour que l'on puisse retrouver les personnes disparues et d'assurer la sécurité des défenseurs des droits humains, des journalistes et évidemment aussi des avocats et de toute autre personne qui puisse s'exprimer librement et donner son point de vue sur l'évolution de la Guinée.